Les matins d’automne dans le Douro sont frais et lumineux. Ils sont encore plus magiques quand on voit le soleil réveiller doucement les vallons de la Casa Agrícola Roboredo Madeira, ce domaine appartenant à la famille du même nom depuis le 17e siècle. C’est sur ces terres couvrant un territoire de plus de 250 hectares qu’on trouve les oliviers donnant l’huile d’olive qui est couronnée meilleure au monde depuis plusieurs années. L’instigateur de la production d’huile d’olive au domaine, Filipe De Albuquerque Madeira, est aussi le meilleur ami de mon père et c’est avec lui que nous avons collaboré pour développer l’huile d’olive F.
À bord de son Rover, nous avons emprunté les chemins à flanc de montagne qui sillonnent les vignobles. Il nous a conduit à un observatoire dont la vue à couper le souffle nous offrait un coup d’oeil panoramique sur la région. De là, Filipe nous a indiqué jusqu’où s’étendaient les champs d’oliviers que possède sa famille. Dans ce vaste espace, on a rapidement repéré l’endroit où la récolte d’olives battait son plein. À distance, les oliviers semblaient pris de frissons. Sans perdre de temps, on s’y rendit pour voir le processus de plus près.
Une quinzaine de travailleurs munis de grands bâtons vibrateurs s’affairaient à faire trembler les branches des arbres pour en faire tomber les olives arrivées à maturité. Je tentai à mon tour l’expérience pour réaliser que manier ce bâton nécessitait plus de force que je ne l’aurais cru!
«Les olives sont mûres quand elles sont couleur bordeaux» nous expliqua Felipe en pointant les filets entourant les arbres qui se remplissaient à chaque secousse. D’autres travailleurs avaient pour tâche de tenir ces grands filets et de les tirer vers les bacs de transport une fois l’arbre vidé de ses fruits. Une fois bondés, ces récipients étaient transportés jusqu’à la fabrique.
C’est dans cette usine perchée en haut du domaine que Felipe nous montra comment les olives étaient triées, lavées, puis broyées. Après un processus à travers différentes machines servant à extraire le jus de la pâte d’olive, ce dernier était centrifugé pour en extraire la fameuse huile.
Ils ne restait plus qu’à déguster le produit final! J’avais très hâte de découvrir le goût qui se cachait dans les prestigieuses bouteilles d’huile d’olive qui nous passaient sous le nez. Felipe nous conduisit chez lui à bord de son Rover. Quelques kilomètres passés le charmant village d’Almendra, une grille s’ouvrit sur un terrain ensoleillé rempli d’arbres fruitiers. Dans un coin à l’ombre, une grande table de pierre avait soigneusement été préparée pour l’occasion. Après les présentations officielles des différents produits de la maison, mon réflexe fut de prendre une tranche de pain pour la tremper dans l’huile, mais Felipe m’avisa de faire autrement. Il me tendit l’outil idéal, soit un verre de dégustation officiel, petit récipient translucide en verre bleu. Pour bien goûter aux nuances et saveurs de l’huile, je me devais aussi de connaître la technique. Felipe m’en montra les rudiments qui s’apparentaient à ceux d’une dégustation de vin, à l’exception que la densité du liquide qui me pris de court. Après quelques tentatives et fous rires, je parvins enfin à dénoter les saveurs sans pareil de cet or vert.
Enfin je compris ce qui rendait ces produits si exceptionnel. D’abord, Filipe a développé des techniques qui donnent un produit hors du commun et plusieurs hommes et femmes mettent la main à la pâte à chaque année. Mais j’eus aussi une pensée pour ces oliviers qui ont creusé leurs racines sous les sols secs et argileux du Douro pendant des siècles, nous révélant maintenant le goût unique de ce terroir.